Démontrer la « valeur économique » dans une demande de permis de séjour pour entrepreneur suisse
- Paul Richmond
- 23 juil.
- 7 min de lecture

La Suisse est largement considérée comme l'une des juridictions les plus attractives d'Europe pour l'entrepreneuriat. Sa stabilité politique, sa situation stratégique au cœur du continent, ses infrastructures de classe mondiale et sa main-d'œuvre hautement qualifiée continuent d'attirer des créateurs d'entreprise du monde entier. Cependant, pour les ressortissants de pays non membres de l'UE/AELE, créer une entreprise en Suisse ne se résume pas à l'enregistrement de leur société. Il s'agit de satisfaire à un critère d'immigration strict : l'entreprise proposée doit servir les intérêts de l'économie suisse dans son ensemble. Cette exigence est inscrite dans l'article 19, paragraphe 1, point a), de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) et précisée dans l'ordonnance sur l'admission, le séjour et l'emploi (OASA), ainsi que dans les lignes directrices et observations à l'intention des étrangers publiées par le Secrétariat d'État aux migrations (SEM).
La norme imposée par les autorités suisses est un critère d'intérêt public plutôt qu'un critère d'intérêt privé. Autrement dit, la simple rentabilité ou l'ambition personnelle du ressortissant étranger ne suffit pas, en soi, à justifier son admission. Le demandeur doit démontrer que ses activités commerciales apporteront des bénéfices mesurables et durables à l'économie suisse, tels que la création d'emplois, le transfert de connaissances, le développement sectoriel ou la relance économique régionale. Cet article explique comment structurer une demande qui satisfait de manière convaincante à cette norme juridique exigeante.
Une norme juridique d'intérêt public
Les Lignes directrices du SEM interprètent sans équivoque l'exigence d'intérêt économique. Une initiative commerciale ne sera admissible que si elle répond à un intérêt public prépondérant dépassant le seul gain financier ou professionnel de l'entrepreneur. Les Directives précisent expressément que l'admission doit répondre à un intérêt économique prépondérant qui ne peut être réduit à des motivations personnelles ou à un enrichissement privé. Pour cette raison, les projets potentiellement rentables – mais qui ne créent pas d'emplois, ne stimulent pas l'innovation et ne soutiennent pas la croissance régionale ou sectorielle – ne seront pas considérés comme satisfaisant au seuil législatif.
Les autorités sont particulièrement prudentes dans l'examen des demandes dont l'activité sous-jacente est motivée par l'optimisation fiscale, l'investissement passif ou l'acquisition spéculative. Par exemple, les entreprises fondées dans le but d'acquérir des biens immobiliers, ou celles qui fonctionnent comme de simples coquilles vides, sont expressément exclues de cette voie. Le cadre juridique privilégie un engagement économique véritable qui contribue significativement à la prospérité à long terme et au tissu social de la Suisse.
Démontrer la contribution au marché du travail
L'un des moyens les plus directs et convaincants de satisfaire à l'exigence de valeur économique est de démontrer que l'entreprise proposée créera des emplois en Suisse. Ce facteur est systématiquement cité dans la politique du SEM comme un élément essentiel du critère d'intérêt public. Les autorités exigeront un plan de recrutement détaillé et crédible, précisant le nombre d'emplois à temps plein prévus, les types de postes concernés et le calendrier de recrutement. Il est essentiel que la demande précise si ces postes seront pourvus par des ressortissants suisses ou des titulaires d'un permis de séjour permanent, car cela a une incidence sur la contribution de l'entreprise au marché du travail national.
De plus, le candidat doit démontrer que les conditions d'emploi seront conformes aux normes suisses du travail, notamment en ce qui concerne les niveaux de salaire, les cotisations sociales et le respect des conventions collectives applicables. La présentation de contrats de travail types ou de référentiels salariaux conformes aux attentes cantonales peut contribuer à démontrer le sérieux et le professionnalisme de la proposition commerciale. Une proposition se limitant à l'externalisation de la main-d'œuvre ou au recours à des freelances n'aura pas la même force de persuasion qu'une proposition proposant des relations de travail sûres et durables.
Alignement sur les priorités régionales et sectorielles
Compte tenu de la structure de gouvernance décentralisée de la Suisse, les autorités cantonales jouent un rôle central dans l'évaluation de la conformité d'un projet d'entreprise à l'exigence de servir l'économie dans son ensemble. Si le SEM conserve l'autorité de surveillance ultime, c'est généralement le canton qui évalue en premier lieu le bien-fondé du projet d'entreprise, souvent en consultation avec les services locaux de promotion économique.
Concrètement, cela signifie que les candidats doivent démontrer une adéquation étroite entre leur modèle économique et les priorités stratégiques du canton dans lequel ils souhaitent s'implanter. Par exemple, une entreprise de biotechnologie ou de technologie médicale pourrait être particulièrement bien accueillie à Bâle-Ville ou dans le canton de Vaud, où les pôles de compétitivité des sciences de la vie sont bien implantés. Une start-up fintech pourrait trouver un fort écho à Genève, devenue une plaque tournante des technologies financières et des monnaies numériques. De même, des entreprises dans les domaines des énergies propres, des services numériques ou de la production alimentaire durable pourraient être particulièrement adaptées à des cantons comme Lucerne, le Valais ou Fribourg, où la diversification économique et l'innovation sont activement encouragées.
Pour être convaincante, la candidature ne doit pas se contenter d'indiquer que l'entreprise évolue dans un secteur en croissance. Elle doit plutôt démontrer comment l'entreprise s'intègre aux pôles industriels locaux, collabore avec des entreprises ou institutions suisses existantes, ou apporte de nouvelles compétences qui renforcent l'économie régionale. Des lettres de soutien émanant de chambres de commerce locales, de pôles d'innovation ou d'organismes cantonaux de promotion des investissements peuvent considérablement renforcer la crédibilité de la candidature.
Innovation et transfert de connaissances
Un autre facteur déterminant pour démontrer la valeur économique est l'introduction d'innovations ou le transfert de connaissances en Suisse. La Suisse se classe régulièrement parmi les économies les plus innovantes au monde et accorde une grande importance aux nouvelles technologies, procédés ou services qui renforcent son avantage concurrentiel. Les lignes directrices du SEM identifient l'innovation et le transfert de savoir-faire comme des critères clés pour évaluer l'utilité publique d'une entreprise étrangère.
Les candidats doivent clairement expliquer les aspects innovants de leur projet. Cela peut inclure le développement de technologies propriétaires, l'utilisation de logiciels de pointe, la commercialisation de la recherche ou l'adaptation au marché suisse des meilleures pratiques internationales. L'innovation ne doit pas nécessairement être révolutionnaire, mais elle doit avoir un impact perceptible et précieux dans son secteur.
Le cas échéant, les candidats sont encouragés à justifier de partenariats avec des instituts de recherche, des incubateurs technologiques ou des associations industrielles suisses. Des preuves de propriété intellectuelle, de dépenses en R&D ou de projets pilotes peuvent également servir à démontrer la nouveauté et l'importance de l'activité commerciale. Avant tout, l'innovation doit être contextualisée : elle doit répondre à un besoin ou à une opportunité réels en Suisse, plutôt que de simplement reproduire des solutions déjà disponibles sur le marché.
Établir la demande du marché et la crédibilité commerciale
La valeur économique exige également la viabilité commerciale. Les autorités suisses n'approuveront pas une demande fondée sur un concept vague ou spéculatif, aussi ambitieux soit-il. Le plan d'affaires doit être détaillé, bien documenté et réaliste. Il doit inclure une analyse approfondie du marché cible, une identification claire des segments de clientèle et une évaluation factuelle de la demande. Affirmer simplement qu'un produit ou un service est « nécessaire » en Suisse ne suffit pas ; le demandeur doit démontrer pourquoi et comment il répond mieux à ce besoin que les alternatives existantes.
Une analyse comparative de la concurrence et une stratégie de commercialisation clairement définie démontreront que l'entrepreneur comprend l'environnement économique suisse et est en mesure d'y opérer. Si le candidat peut citer des lettres d'intention, des ventes pilotes ou des contrats initiaux avec des clients ou partenaires suisses, il doit les inclure. Ces documents constituent des preuves solides et tangibles de la réussite et démontrent que l'entreprise n'est pas purement hypothétique.
De plus, le plan d'affaires doit aborder les risques commerciaux et expliquer comment ils seront atténués. Une évaluation équilibrée et crédible des défis potentiels, associée à une planification stratégique claire, témoigne de maturité et de professionnalisme aux autorités. Un modèle d'affaires fondé uniquement sur des hypothèses de croissance optimistes, sans aucune reconnaissance des incertitudes, sera accueilli avec scepticisme.
Solidité financière et engagement d'investissement
Le demandeur doit également démontrer qu'il dispose des moyens financiers nécessaires pour créer et pérenniser l'entreprise proposée. Cela comprend le capital pour l'investissement initial, le fonds de roulement pour les activités courantes et les fonds pour le recrutement du personnel et les frais généraux. Les autorités suisses n'imposent pas de capital minimum fixe, mais l'ampleur de l'investissement doit être proportionnée à la nature et aux objectifs de l'entreprise.
Les projections financières doivent être prudentes et étayées par des hypothèses réalistes. Idéalement, la demande comprendra un plan financier pluriannuel présentant les prévisions de revenus, de dépenses et de flux de trésorerie. Ce plan devra être accompagné d'une explication de la structure de coûts sous-jacente et du calendrier de rentabilité.
Une contribution financière personnelle de l'entrepreneur est particulièrement convaincante, car elle témoigne de son engagement et du partage des risques. En cas de recours à un financement externe, la demande doit en indiquer la source, les modalités et les conditions, et préciser s'il s'agit d'un financement par emprunt ou par capitaux propres. Les autorités suisses verront d'un mauvais œil les propositions reposant entièrement sur un financement non garanti ou conditionnel, ou qui semblent sous-capitalisées par rapport à leurs ambitions.
Intégration économique plus large
Enfin, les autorités suisses pourraient prendre en compte les retombées économiques indirectes de l'opération. Une entreprise qui soutient l'économie locale non seulement par ses propres activités, mais aussi par le recours à des fournisseurs, sous-traitants et prestataires de services suisses sera mieux perçue. De même, l'intégration au tissu économique et professionnel de la région – par le biais de partenariats avec des établissements d'enseignement, de la participation à des réseaux sectoriels ou de collaborations avec d'autres entreprises – contribue à démontrer un engagement à long terme et une volonté de contribuer à l'écosystème économique suisse.
Dans certains cas, il peut être utile d'obtenir des lettres d'approbation des autorités locales, des conseils communaux ou des agences de développement régional. Ces attestations peuvent servir à prouver que l'entreprise est reconnue localement comme un contributeur précieux à l'économie et à la société, et non pas simplement comme une initiative privée d'un investisseur étranger.
Conclusion : Promouvoir l'intérêt économique public grâce à l'entreprise privée
Le permis de séjour pour entrepreneurs suisses n'a pas pour but de faciliter les ambitions entrepreneuriales individuelles. Il s'agit plutôt d'une voie d'immigration soigneusement réglementée, conçue pour garantir que les activités des entrepreneurs non européens génèrent des bénéfices concrets et mesurables pour l'économie suisse. Satisfaire à cette exigence exige plus qu'une bonne idée ou un business plan bien rédigé. Il faut un dossier réfléchi et bien étayé, qui réponde à l'intérêt public en termes de création d'emplois, d'innovation, de développement régional, de solidité financière et d'intégration.
Les candidats capables de présenter leur projet d'entreprise sous cet angle, et d'appuyer leur candidature par des preuves claires et des documents crédibles, ont les meilleures chances de succès. Grâce à un accompagnement stratégique, une expertise juridique et une planification rigoureuse, il est tout à fait possible de satisfaire aux exigences élevées de la Suisse et de s'assurer la possibilité de créer et d'exploiter une entreprise au cœur de l'Europe.
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