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Interdictions d'entrée en Suisse pour dépassement de la durée autorisée : explication des options légales

Interdictions d'entrée en Suisse pour dépassement de la durée autorisée : explication des options légales

Les ressortissants étrangers qui dépassent la durée autorisée de séjour en Suisse, même de quelques jours, s'exposent à de graves conséquences en matière d'immigration. Parmi les mesures administratives les plus courantes figure l'interdiction d'entrée en Suisse prononcée par le Secrétariat d'État aux migrations (SEM). Ces interdictions, qui durent souvent 12 mois pour les premiers dépassements, ne constituent pas des sanctions pénales, mais ont des effets considérables dans toute l'Europe. La Suisse faisant partie de l'espace Schengen, une interdiction prononcée à Berne entraîne généralement une interdiction d'entrée dans tout l'espace Schengen, empêchant la personne de circuler dans la zone pendant toute la durée de l'interdiction.


Cet article propose une analyse détaillée du cadre juridique, des étapes procédurales, des mécanismes d'application de l'espace Schengen et des voies de recours pour les personnes faisant l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse de 12 mois pour dépassement de la durée de séjour autorisée. Il examine également les modalités de contestation, de réduction ou de levée de ces interdictions pour des motifs humanitaires ou de proportionnalité.


La nature et la portée des interdictions d'entrée en Suisse imposées par le SEM


Une interdiction d'entrée en Suisse est une sanction administrative relevant du droit de l'immigration, et non une condamnation pénale. Elle est prononcée par le Secrétariat d'État aux migrations (SEM) lorsqu'un étranger a enfreint les règles suisses d'immigration, le plus souvent en dépassant la durée de séjour autorisée de 90 jours par les règles Schengen de court séjour ou en ne se conformant pas à une mesure d'expulsion.


Durée et type d'interdictions


Une interdiction d'entrée en Suisse de 12 mois est généralement prononcée en cas de premier dépassement de la durée de séjour autorisée, notamment si la personne n'a commis aucune infraction antérieure et que le dépassement est relativement modéré (par exemple, quelques semaines au-delà de la durée autorisée). Le SEM peut toutefois prononcer des interdictions allant jusqu'à cinq ans en vertu de l'article 67, paragraphe 3, de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI). Dans les cas graves impliquant une conduite criminelle, des risques pour la sécurité publique ou des infractions répétées à la législation sur l'immigration, les interdictions peuvent dépasser cette durée – dans les cas extrêmes, jusqu'à 15 ans, voire indéfiniment, notamment lorsque la police fédérale (fedpol) prend la décision pour des raisons de sécurité nationale.


Administratif, pas pénal


Il est important de souligner qu'une interdiction de séjour au titre du SEM n'est pas un casier judiciaire. Il s'agit d'une mesure administrative visant à protéger le contrôle des migrations et à garantir le respect des décisions d'éloignement. Cependant, ses conséquences sont lourdes : la personne se verra refuser l'entrée en Suisse et, grâce au partage des données, dans tous les pays Schengen pendant la durée de l'interdiction. Même en l'absence d'amende ou de poursuites, ses données sont enregistrées dans le SIS II (Système d'information Schengen), visible par toutes les agences aux frontières en Europe.


Bases juridiques en droit suisse et Schengen


Article 67 LNI – Loi nationale suisse


Le fondement juridique des interdictions prononcées par le SEM réside dans l'article 67 de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI). Cette disposition autorise le SEM à interdire la réentrée sur le territoire pour une durée maximale de cinq ans aux étrangers qui :


  • Ont reçu l’ordre de quitter la Suisse mais ne sont pas partis dans le délai imparti ;

  • Avoir violé ou mis en danger l’ordre public ou la sécurité ;

  • Avoir commis une infraction au droit suisse de l’immigration (comme un séjour irrégulier, un travail illégal ou une utilisation abusive de visa) ;

  • Sont considérés comme susceptibles d’échapper aux contrôles d’immigration ou de récidiver.


En vertu de l'article 67(3), l'interdiction peut dépasser cinq ans si la personne représente une « menace grave » pour l'ordre public ou la sécurité. À l'inverse, l'article 67(5) prévoit une garantie importante : le SEM peut lever ou suspendre l'interdiction d'entrée, temporairement ou définitivement, pour des raisons humanitaires ou d'autres considérations importantes. Ce mécanisme d'équilibre garantit le respect du principe de proportionnalité, un principe fondamental du droit administratif et constitutionnel suisse.


Droit européen et Schengen : SIS II et le code des visas


La Suisse applique le code frontières Schengen et le code des visas Schengen par le biais d'accords bilatéraux avec l'UE. Dès que le SEM impose une interdiction d'entrée, la décision est automatiquement enregistrée dans le Système d'information Schengen (SIS II) conformément à l'article 24 du règlement (UE) 2018/1861.


Cette entrée déclenche un signalement Schengen aux fins de refus d'entrée ou de séjour, ce qui signifie que chaque poste frontière Schengen refusera l'entrée à la personne. Le Code des visas (article 32(1)(a)(vi)) renforce cette disposition : si une personne demande un visa Schengen alors qu'un signalement SIS est actif, le visa doit être refusé. Ainsi, une interdiction en vertu du droit suisse a des conséquences paneuropéennes, rendant la personne effectivement inadmissible dans les 29 pays Schengen.


Comment les dépassements de séjour sont détectés et traités par les autorités suisses


Découverte aux contrôles de sortie et aux contrôles intérieurs


Les dépassements de séjour sont le plus souvent constatés dans les aéroports suisses, notamment à Zurich et à Genève, lors des contrôles aux frontières de sortie. Lorsque des voyageurs tentent de quitter le territoire après l'expiration de leur séjour légal, les gardes-frontières peuvent identifier l'infraction grâce aux tampons de passeport ou aux données d'entrée/sortie.


Les dépassements mineurs (par exemple, d'un ou deux jours) peuvent entraîner une simple amende de quelques centaines de francs. En revanche, les dépassements plus importants ou délibérés sont signalés au SEM, qui examine le dossier et décide s'il y a lieu de prononcer une interdiction de retour.


Dans certains cas, les autorités cantonales de migration ou la police découvrent des séjours illégaux grâce à des contrôles internes, par exemple lors du contrôle des déclarations de séjour, des permis de travail ou des listes de clients d'hôtels. Ces signalements sont transmis au SEM pour action fédérale.


Prise de décision par SEM


Une fois notifié, le SEM évalue le parcours migratoire de l'intéressé, la durée et la nature du dépassement de la durée de séjour autorisée, sa coopération avec les autorités et toute circonstance aggravante ou atténuante. S'il juge le manquement grave, il rend une décision écrite formelle précisant :


  • La base légale (article 67 FNIA) ;

  • La durée (par exemple, « interdiction d’entrée pendant 12 mois ») ;

  • Le champ d’application territorial (Suisse et Liechtenstein) ;

  • Les raisons de l'interdiction ;

  • Informations sur les droits d'appel.


Notification et enregistrement SIS


Si la personne se trouve encore en Suisse, la décision lui est transmise directement. Si elle a quitté la Suisse ou est sur le point de le faire, le SEM peut lui transmettre la décision par courrier postal ou par l'intermédiaire d'un consulat suisse à l'étranger. Une copie est ensuite enregistrée dans la base de données nationale des migrations et dans le SIS II.


Bien que la décision s'applique à la Suisse, l'alerte SIS garantit une application à l'échelle de l'espace Schengen. La période d'interdiction commence à la date de la décision, et non à la date de départ. Après expiration, l'enregistrement SIS est automatiquement supprimé ou doit être supprimé manuellement par les autorités suisses.


Application à l'échelle de Schengen et conséquences pratiques


Effet aux frontières de Schengen


Une interdiction d'entrée en Suisse dans le SIS II entraîne un refus automatique d'entrée à toutes les frontières extérieures de l'espace Schengen. En vertu du Code frontières Schengen (articles 6 et 8), les agents des services frontaliers de toute l'Europe sont tenus de refuser l'entrée à toute personne signalée par un signalement de refus d'entrée. Cela signifie que même si une personne tente d'entrer sur le territoire suisse par un autre pays Schengen, par exemple la France ou l'Allemagne, l'interdiction reste en vigueur.


Impact sur les demandes de visa et d'ETIAS


Tant que l'interdiction reste en vigueur, tous les consulats Schengen sont tenus de refuser les demandes de visa en invoquant une « alerte dans le Système d'information Schengen aux fins de refus d'entrée ». Une fois le système d'autorisation de voyage ETIAS opérationnel, les données du SIS seront également vérifiées avant approbation. Ainsi, une interdiction d'entrée en Suisse entraînera automatiquement un refus ETIAS jusqu'à sa levée ou son expiration.


Voyager dans l'espace Schengen


Même à l'intérieur de l'espace Schengen, l'alerte SIS peut poser problème. Bien que les contrôles de routine aux frontières intérieures soient suspendus, la police peut procéder à des contrôles d'identité aléatoires. Si un agent identifie une personne faisant l'objet d'une alerte SIS active, elle peut être placée en détention ou expulsée, car le fait de rester sur le territoire Schengen pendant une interdiction d'entrée en vigueur constitue une infraction.


Faire appel d'une interdiction d'entrée en Suisse : recours juridiques et jurisprudence


Droit d'appel et délais


Toute personne faisant l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse dispose d'un droit de recours en vertu du droit administratif suisse. Le recours doit être déposé dans les 30 jours suivant la réception de la décision du SEM. L'instance de recours compétente est le Tribunal administratif fédéral (TAF) de Saint-Gall. Les recours peuvent être déposés en allemand, en français ou en italien, et peuvent également être déposés en anglais avec traduction.

Bien qu'un appel ne suspende pas automatiquement l'exécution, l'appelant peut demander une suspension provisoire (effet suspensif) dans l'attente de l'examen du tribunal. La Cour d'appel n'accordera cette suspension que dans des cas impérieux, par exemple en cas de solides arguments humanitaires ou liés à la vie de famille.


Motifs d'appel : proportionnalité et facteurs humanitaires


Les recours invoquent généralement le principe de proportionnalité, consacré par l'article 5(2) de la Constitution fédérale suisse et par la pratique administrative. Ce principe exige que les sanctions ne dépassent pas ce qui est nécessaire pour atteindre leur objectif.


Les arguments courants incluent :


  • Le dépassement du séjour était de courte durée, involontaire ou causé par des circonstances indépendantes de notre volonté (par exemple, maladie, vols retardés ou restrictions liées à la COVID) ;

  • Le SEM n’a pas tenu compte des liens familiaux ou des difficultés personnelles ;

  • La durée de l’interdiction (par exemple, 12 mois) est excessive par rapport à l’infraction ;

  • La personne est partie volontairement et a coopéré avec les autorités.


Jurisprudence sur les recours en matière d'interdiction d'entrée


La jurisprudence suisse montre que les tribunaux réexaminent et modèrent régulièrement les interdictions d'entrée lorsque la décision du SEM est jugée disproportionnée. Dans une affaire, le Tribunal administratif fédéral a réduit à deux ans une interdiction de cinq ans pour le conjoint non-UE d'un résident suisse, invoquant le droit à la vie familiale. Dans une autre affaire, une interdiction de dix ans pour un ressortissant ayant dépassé la durée de séjour autorisée et ayant commis des infractions mineures a été réduite à trois ans, le tribunal soulignant que la dissuasion seule ne justifie pas une durée excessive.


Même pour les infractions graves, les tribunaux réduisent souvent les interdictions lorsque la personne concernée démontre une réadaptation ou lorsqu'une longue interdiction risque de rompre l'unité familiale. Pour les simples dépassements de séjour, des recours ont permis d'obtenir la levée ou le remplacement de l'interdiction par une amende, notamment lorsqu'ils sont étayés par des preuves de bonne foi ou des raisons humanitaires.


Demande de dérogation ou de levée anticipée de l'interdiction


Article 67(5) FNIA : Renonciation discrétionnaire


Outre le recours formel, le SEM dispose, en vertu de l'article 67(5) de la FNIA, du pouvoir discrétionnaire de suspendre ou de lever une interdiction d'entrée pour des « raisons importantes ». Ce recours administratif est souvent utilisé après l'expiration du délai de recours ou lorsque la situation a sensiblement changé depuis l'imposition de l'interdiction.


Exemples pratiques de demandes de dérogation réussies


  • Regroupement familial : le SEM a levé l'interdiction lorsque la personne a épousé un citoyen suisse ou européen après l'interdiction, reconnaissant ainsi le droit à l'unité familiale en vertu de l'article 8 de la CEDH.

  • Urgences médicales : Les personnes nécessitant un traitement médical en Suisse bénéficient de dérogations temporaires pour des raisons humanitaires.

  • Nécessité professionnelle ou académique : Les entrepreneurs, investisseurs et chercheurs ayant des raisons professionnelles légitimes d'entrer en Suisse ont parfois obtenu une autorisation de retour anticipé après avoir présenté une justification solide et un casier judiciaire vierge depuis l'interdiction.


Les demandes doivent être soumises par écrit au Service des admissions et des résidences du SEM, accompagnées de justificatifs (certificats de mariage, rapports médicaux ou invitations professionnelles, par exemple). Les directives officielles du SEM encouragent les personnes faisant l'objet d'une interdiction à contacter directement l'autorité compétente pour confirmer leur situation ou soumettre un document de dérogation.


Considérations clés pour les personnes confrontées à une interdiction d'entrée en Suisse


  1. Agissez vite : le délai d’appel de 30 jours est strict. Les appels tardifs sont généralement irrecevables.

  2. Vérifiez les enregistrements SIS : vous pouvez demander l’accès à vos données SIS pour vérifier si une interdiction est active.

  3. Fournir des preuves : les dossiers médicaux, les confirmations de vol ou la preuve de vie de famille sont essentiels pour démontrer les circonstances atténuantes.

  4. Respecter l'interdiction : Tenter d'entrer dans l'espace Schengen pendant une interdiction active peut entraîner une arrestation ou une interdiction plus longue.

  5. Demandez conseil à un avocat : un avocat spécialisé en droit de l'immigration, expérimenté en droit suisse et Schengen, peut évaluer les perspectives d'appel ou de renonciation et vous aider à rédiger des observations convaincantes.


Relation entre les interdictions suisses et l'application de l'espace Schengen


Une interdiction d'entrée en Suisse est d'origine nationale, mais son effet est international. La décision du SEM repose sur le droit interne suisse (article 67 de la LEIP), mais son application découle de l'infrastructure SIS II de Schengen. Il en résulte un système totalement intégré : les autorités suisses initient l'interdiction ; les États membres de Schengen l'appliquent de manière uniforme.


Cette coopération garantit la cohérence, mais signifie également que la levée de l'interdiction en Suisse rétablit automatiquement les droits de voyager dans toute l'Europe. Inversement, tant que l'interdiction reste en vigueur, aucun État Schengen ne peut légalement admettre ni délivrer de visa à la personne concernée.


Conclusion : Contester et gérer une interdiction d'entrée en Suisse pour dépassement de séjour


Une interdiction d'entrée de 12 mois pour séjour prolongé en Suisse peut avoir de graves conséquences, bloquant de fait l'accès à tous les pays Schengen. Pourtant, le système n'est pas inflexible. La législation suisse prévoit des mécanismes de recours, de contrôle proportionnel et d'aide humanitaire, garantissant ainsi une adéquation des sanctions aux circonstances individuelles.


Les personnes concernées doivent agir rapidement et en toute connaissance de cause : déposer un recours si possible, ou demander une dérogation si de nouveaux motifs humanitaires apparaissent. Les tribunaux et le SEM reconnaissent que si le contrôle de l'immigration est essentiel, les mesures doivent rester justes, proportionnées et humaines. Avec une stratégie juridique adaptée et des preuves à l'appui, il est souvent possible de raccourcir ou d'annuler une interdiction d'entrée en Suisse, rétablissant ainsi l'accès à la Suisse et à l'espace Schengen plus tôt que prévu.


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