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Les freelances et les consultants peuvent-ils bénéficier d’un permis de séjour suisse ?

Professionnels indépendants en Suisse : les freelances peuvent-ils obtenir un permis de séjour ?

La réputation de la Suisse comme pôle d'affaires mondial, sa stabilité politique, son niveau de vie élevé et sa proximité avec les principaux marchés européens en font une destination attractive pour les professionnels indépendants. Cependant, pour les ressortissants de pays non membres de l'UE/AELE souhaitant travailler en Suisse en tant que freelances, consultants ou indépendants, la voie vers la résidence légale et l'exercice d'une activité indépendante est complexe et très réglementée. Cet article explore les principaux critères d'obtention d'un permis de séjour suisse en tant que professionnel indépendant, les difficultés pratiques à surmonter et les points à considérer pour une demande réussie.


Travail indépendant et droit suisse de l'immigration


En vertu du droit suisse de l'immigration, le parcours de résidence des travailleurs indépendants est principalement régi par la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) , et notamment son article 19. Si les citoyens de l'UE/AELE bénéficient d'un accès relativement simple au marché du travail suisse grâce à l'Accord sur la libre circulation des personnes, les ressortissants de pays tiers (hors UE/AELE) sont soumis à des exigences plus strictes. Pour les professionnels indépendants sans employeur ni entreprise sponsor, la catégorie la plus pertinente est le permis de séjour pour activité indépendante, disponible en vertu de l'article 19 de la LEI.


Les autorités cantonales suisses disposent d'un pouvoir discrétionnaire considérable pour évaluer les demandes d'exercice d'une activité indépendante, mais tous les candidats doivent démontrer leur capacité à subvenir durablement à leurs besoins grâce à leur activité. Cela implique de prouver à la fois la viabilité économique de l'entreprise et la capacité personnelle du candidat à exercer le travail.


Qui peut être considéré comme un professionnel indépendant ?


Dans la pratique de l'immigration suisse, le terme « travailleur indépendant » désigne les personnes qui ne sont pas des salariés et qui assument l'entière responsabilité de leurs activités, de leurs revenus et de leurs responsabilités. Il peut s'agir d'entrepreneurs individuels, de consultants indépendants, de prestataires informatiques, de designers, d'architectes, d'écrivains et d'autres professionnels exerçant sous leur propre nom ou par l'intermédiaire d'une entreprise individuelle enregistrée ou d'une société suisse.


Toutefois, les autorités suisses ont une vision restrictive du travail indépendant et du conseil. Le demandeur doit démontrer qu'il est véritablement autonome : il ne dépend pas économiquement d'un client principal, il n'exerce pas d'activité sous le couvert d'un emploi déguisé et il ne sous-traite pas de travaux qui seraient plus appropriés dans le cadre d'un emploi traditionnel.


Cette distinction est essentielle : les candidatures qui semblent structurées autour d’une relation client unique (par exemple, un contrat de conseil avec une entreprise qui ressemble à un contrat de travail déguisé) sont fréquemment rejetées au motif que le candidat n’est pas véritablement un travailleur indépendant.


« Dans l’intérêt de l’économie suisse » : un seuil crucial


L'une des exigences fondamentales de l'article 19(1)(a) LEI est que l'activité indépendante envisagée par le demandeur doit être « dans l'intérêt de l'économie suisse dans son ensemble ». Cette exigence est bien plus qu'une simple formalité : elle est au cœur de toute décision d'octroi d'un permis de séjour pour activité indépendante à un ressortissant d'un pays tiers.


En pratique, cela signifie que l'activité doit offrir plus qu'un simple revenu de subsistance au demandeur. L'entreprise doit contribuer au développement économique, au niveau local ou national. Les autorités suisses prendront en compte des facteurs tels que :


  • Création d’emplois : L’entreprise emploiera-t-elle à l’avenir des ressortissants suisses ou de l’UE/AELE ?

  • Innovation : Le service ou le produit comble-t-il une lacune du marché ou introduit-il une innovation ?

  • Demande du marché : existe-t-il un intérêt ou un besoin démontrable pour les services en Suisse ?

  • Lien avec les secteurs stratégiques : L'activité s'aligne-t-elle sur les priorités économiques cantonales ou fédérales (par exemple sciences de la vie, fintech, durabilité, transformation numérique) ?

  • Potentiel d’exportation ou investissement étranger : l’entreprise attire-t-elle des capitaux étrangers ou ouvre-t-elle les produits ou services suisses à de nouveaux marchés ?

  • Amélioration de l’économie locale : L’entreprise stimulera-t-elle l’activité dans des régions ou des secteurs sous-développés ?


Les freelances et les consultants doivent donc aller au-delà de la simple preuve de leur capacité financière. Ils doivent démontrer une valeur économique plus large, et pas seulement un bénéfice personnel. Cet obstacle peut être particulièrement important pour les professionnels indépendants, notamment ceux qui proposent des services déjà présents sur des marchés locaux saturés ou qui se distinguent difficilement de leurs concurrents basés en Suisse.


Les autorités peuvent rejeter une demande si l'intérêt perçu pour l'économie suisse est minime, spéculatif ou trop étroitement axé sur les intérêts personnels du demandeur. À l'inverse, les demandes mettant en avant des contributions à valeur ajoutée – telles que la création d'emplois, le transfert de savoir-faire ou la résolution de pénuries de compétences – ont plus de chances d'être acceptées.


Principales exigences juridiques et pratiques


Pour obtenir un permis de séjour pour travailleur indépendant, le demandeur doit soumettre un plan d'affaires détaillé et des pièces justificatives. Les éléments essentiels comprennent généralement :


  • Un plan d’affaires viable et réaliste décrivant les services à offrir, les clients cibles, le modèle de tarification et les revenus et dépenses prévus.

  • Prévisions financières montrant des revenus suffisants pour subvenir à ses besoins (et à ceux des personnes à charge, le cas échéant), généralement conformes ou supérieurs aux seuils de salaire minimum local.

  • Preuve de relations clients existantes ou potentielles , de préférence avec plusieurs clients pour démontrer l'indépendance commerciale.

  • Preuve de qualifications, d’expérience ou de licence si la profession est réglementée ou spécialisée.

  • Une adresse de siège social dans le canton où la demande est déposée.

  • Inscription au système suisse de sécurité sociale , AVS (Assurance Vieillesse et Survivants), et le cas échéant, immatriculation à la TVA.


Discrétion et différences cantonales


Bien que le cadre juridique soit national, l'approbation des demandes d'exercice d'une activité indépendante est décidée au niveau cantonal. Chaque canton interprète les règles fédérales avec une certaine latitude, et les seuils peuvent varier considérablement.


Par exemple, des cantons comme Genève et Zurich ont tendance à imposer des exigences de viabilité économique plus strictes et à exiger un chiffre d'affaires plus élevé avant d'accorder un permis. À l'inverse, les cantons plus ruraux peuvent adopter une approche plus souple ou axée sur le développement, notamment si l'activité proposée contribue à l'économie locale.


Il est donc conseillé aux freelances qui envisagent une candidature de se renseigner soigneusement sur la politique et les attentes cantonales et, si possible, de demander conseil au préalable aux autorités cantonales chargées des migrations ou à des professionnels de l'immigration ayant une expérience locale.


Défis courants pour les freelances


Les professionnels indépendants souhaitant obtenir la résidence en Suisse sont confrontés à un certain nombre de défis récurrents :


  • Dépendance à un seul client : Les demandes sont souvent refusées si les revenus dépendent d'un seul client, même s'ils sont structurés contractuellement comme un « travail indépendant ». Les autorités peuvent considérer cela comme une dépendance économique apparentée à un emploi.

  • Chiffre d’affaires insuffisant : les autorités suisses s’attendent généralement à ce que les revenus projetés dépassent le niveau de subsistance (actuellement autour de 30 000 à 40 000 CHF par an), mais dans la pratique, des projections de revenus beaucoup plus élevées sont nécessaires pour être compétitif.

  • Modèles commerciaux à court terme ou spéculatifs : les autorités suisses chargées des migrations sont réticentes à approuver des permis sur la base de revenus futurs spéculatifs, en particulier pour les travailleurs indépendants sans contrats clients sécurisés ni traction sur le marché.

  • Manque d'intégration locale : Les candidats doivent démontrer leur intention de résider durablement en Suisse et de s'y intégrer socialement et économiquement. Les candidatures de travailleurs à distance ou de « nomades numériques » sans ancrage suisse pourront être examinées plus attentivement.

  • Non-respect de l'article 19(1)(a) : Même les plans d'affaires les plus solides peuvent échouer s'ils ne démontrent pas une valeur ajoutée claire pour l'économie suisse dans son ensemble. Cette exigence doit être mentionnée directement dans la demande.


Voies pour renforcer une candidature


Malgré ces difficultés, il est possible pour les professionnels indépendants de réussir à obtenir un permis de séjour en Suisse. Les candidats retenus adoptent souvent les mesures stratégiques suivantes :


  • Formaliser leur structure commerciale - en enregistrant une entreprise individuelle ou en créant une GmbH/Sarl ou AG/SA (société à responsabilité limitée) suisse avec une adresse de bureau et un compte bancaire en Suisse.

  • Diversifier leur clientèle – en montrant que leurs revenus ne dépendent pas d’un seul client ou d’un seul contrat.

  • Investissez dans votre présence sur le marché - grâce à un site Web professionnel, une image de marque, des supports marketing et des signes tangibles d'activité commerciale en Suisse.

  • Fournir des accords clients signés - avec des clients suisses ou internationaux pour démontrer des revenus confirmés.

  • Montrez votre contribution économique, par exemple en prévoyant d’embaucher, de collaborer avec des fournisseurs suisses, de payer des impôts locaux ou de générer des revenus d’exportation.

  • Travaillez avec des partenaires suisses - tels que des fiduciaires locaux, des avocats ou des accélérateurs qui peuvent vous aider à créer votre entreprise et à lui apporter de la crédibilité.


Conclusion


Si la Suisse offre un environnement de travail de qualité aux professionnels indépendants, la voie vers la résidence en tant qu'indépendant est loin d'être simple. Pour les travailleurs indépendants non-membres de l'UE/AELE, la clé du succès réside dans la démonstration d'une réelle indépendance économique, de la viabilité de leur entreprise et, surtout, de leur alignement sur les intérêts de l'économie suisse dans son ensemble.


Chaque demande est évaluée sur le fond et doit être étayée par un plan d'affaires soigneusement préparé, des preuves clients et une définition stratégique de la contribution proposée à l'économie. Les autorités suisses exercent un contrôle rigoureux sur les demandes d'emploi indépendant, notamment celles des consultants et des freelances. Un conseil juridique précoce et une connaissance approfondie du terrain peuvent faire la différence entre une approbation et un refus.


Pour les professionnels indépendants prêts à s'engager à créer une entreprise en Suisse et capables de surmonter les obstacles juridiques et pratiques, un permis de séjour pour travailleur indépendant peut constituer un point d'ancrage précieux dans l'une des économies les plus stables et les plus prospères d'Europe.

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